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Québec ignore ce que Northvolt rejettera dans l’air et dans l’eau

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Des résidents déplorent le manque de connaissances du ministère de l'Environnement du Québec quant aux détails du projet de méga-usine de batteries de Northvolt, alors que le feu vert aux travaux a déjà été donné. Lors de deux séances d'information publiques tenues dans les derniers jours, à McMasterville et à Saint-Basile-le-Grand, de hauts fonctionnaires ont été incapables de répondre à certaines questions de citoyens.

Le ministère de l'Environnement n'a aucune idée des rejets dans l'atmosphère que produira le futur complexe industriel. Les fonctionnaires ne savent pas non plus ce qui sera rejeté dans la rivière Richelieu ni les quantités d'eau qui seront prélevées pour refroidir le procédé industriel.

Plusieurs résidents ont posé des questions sur les prélèvements dans la rivière, source d'eau potable de municipalités de la région. Présentement, nous n'avons pas de demande [d'autorisation], donc je n'ai pas de données à partager avec vous, a répondu le directeur régional du ministère de l'Environnement en Montérégie, Stefanos Bitzakidis.

Ce sont des préoccupations qui seront prises en compte quand on fera l’analyse de la demande, a ajouté le haut fonctionnaire.

En ce qui concerne le bruit, on va recevoir des études sonores. On ne les a pas encore, a-t-il dit.

Au sujet du recyclage des batteries, son collègue directeur de l’évaluation environnementale, Ian Courtemanche, a déclaré : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Le projet, je ne l’ai pas

La vaste majorité des citoyens qui se sont présentés au micro, durant les deux séances d'information qui ont duré au total sept heures et demie, étaient favorables au projet, mais se posaient des questions sur le manque d'information, voire le manque de transparence, ce qui les fait de plus en plus douter.

Au départ, j'étais vraiment pour le projet. C’est une belle compagnie, oui. Elle a l’air très propre. Mais là, il manque tellement de réponses que je suis de plus en plus perdue et de moins en moins confiante.

Une citation deChristine Lambert, résidente de Saint-Basile-le-Grand, lors de la séance d'information publique du gouvernement

La raison pour laquelle le ministère ignore ces détails est que l'évaluation du projet a été morcelée en plusieurs phases d'autorisation. Aucune demande n'a encore été déposée par l'entreprise suédoise concernant l'exploitation des usines, les rejets de contaminants, les prélèvements d'eau ou la gestion des matières dangereuses.

Pour le moment, seule la préparation du terrain a été étudiée et approuvée, avec le remblaiement de 14 hectares de milieux humides et l'abattage de milliers d'arbres. L'autorisation de la construction de l'usine est actuellement à l'étude, mais n'a pas encore été approuvée.

Je ne comprends pas votre processus d'avoir autorisé un petit morceau, sans même avoir une idée du big picture, a remarqué Christine Lambert, qui est ingénieure.

Un autre citoyen, Pierre Gohier, a dit avoir eu le sentiment que la première phase du projet avait été adoptée aveuglément.

C’est comme si on avait le [projet du] Centre Bell, puis qu'on avait juste étudié la cabane à hot-dogs.

Une citation dePierre Gohier, citoyen présent à la séance d'information publique du gouvernement

Admettons que l’autorisation soit refusée, on fait quoi avec les milieux humides remblayés et la faune détruite? a demandé un avocat de Mont-Saint-Hilaire, Cédric Gagnon-Bouchard. Comment allez-vous remettre la pâte à dent dans le tube?

Radio-Canada révélait la semaine dernière qu'un fonctionnaire du ministère avait soulevé la même question auprès de ses supérieurs.

En réponse à ces préoccupations, Stefanos Bitzakidis a expliqué que le ministère de l'Environnement avait l'empreinte du projet, ce qui lui a permis de délivrer la première autorisation.

Le haut fonctionnaire a ajouté qu'il n'avait jamais vu, dans sa carrière, une autorisation de destruction de milieux humides qui n'avait pas donné lieu, par la suite, à un projet dans la zone en question.

Ma conclusion ce soir, c’est qu’il y a autant d’inconnus de votre bord que de notre bord, a dit Jacinthe Villeneuve, résidente de McMasterville, lors de la séance d'information publique.

Plusieurs citoyens s'interrogent sur la division du projet en différents morceaux. On a consulté nos avocats, a répondu Ian Courtemanche, du ministère de l'Environnement. C’est comme ça qu’on arrive à la conclusion qu’on a trois usines différentes.

Le haut fonctionnaire a expliqué que, dans le passé, les projets de Métaux BlackRock et de GNL Québec, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, avaient aussi donné lieu à une segmentation des autorisations.

Le projet de Northvolt est composé d'une usine de fabrication de cathodes, d'une autre d'assemblage de batteries et d'une troisième de recyclage des batteries. Seule cette dernière sera soumise à un examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Les deux premières y ont échappé, à la suite de modifications réglementaires apportées en 2023, ce qui fait l'objet de critiques.

Le ministère de l'Environnement a tenu à assurer aux citoyens qu'à chaque étape d'autorisation, Northvolt doit démontrer que son projet est conforme aux lois et règlements.

Les rejets atmosphériques devront respecter les normes québécoises, a indiqué Stefanos Bitzakidis. Et si un contaminant ne figure pas dans les normes actuelles, on va fixer, comme ministère, un critère pour ce contaminant-là.

En ce qui a trait aux répercussions sur la rivière, il y aura une caractérisation complète à faire pour valider l'étude de dispersion et on détermine des objectifs environnementaux de rejets qui tiennent compte du débit et de la faune, en premier lieu le chevalier cuivré, un poisson protégé qui n'existe qu'au Québec.

L'entreprise devra aussi prouver qu'elle aura une aire d'entreposage étanche des matières dangereuses. Le ministère lui imposera de remplir un registre qui montre que la disposition est correcte.

Dans ses procédés, Northvolt utilise, entre autres, du nickel, du cobalt et du lithium. Il y aura des mesures de surveillance et de contrôle, a ajouté M. Bitzakidis.

Quelques voix dissonantes se sont fait entendre dans l'assistance, comme un citoyen qui s'inquiète que les mesures de protection de la faune imposées au projet coûtent 100 millions par tortue.

Il faut avoir un juste équilibre entre une protection et une aberration où chaque moineau devient un dieu que l’on ne peut pas déplacer.

Une citation deUn citoyen présent à la séance d'information publique

Ce monsieur a ensuite déployé une affiche qui indiquait : On veut Northvolt.

Northvolt promet de rendre publics ses rejets

Les représentants de Northvolt n'étaient pas présents durant les séances d'information. Par courriel, l'entreprise a fait savoir à Radio-Canada que des demandes d’autorisation seront soumises au MELCCFP ultérieurement concernant les aspects environnementaux en lien avec la phase d’exploitation de l’usine (ex. émissions atmosphériques, consommation d’eau, rejets liquides, etc.).

Nous adaptons la conception de l'usine afin d'être conformes aux normes environnementales en vigueur au Québec.

Une citation deEmmanuelle Rouillard-Moreau, porte-parole de Northvolt pour l'Amérique du Nord

Nous avons l'intention de rendre publiques les données atmosphériques concernant le projet du Québec lorsque la conception de l'usine sera finalisée, a ajouté l'entreprise.

Plusieurs citoyens ont remercié les fonctionnaires pour le temps qu'ils leur ont accordé. C’est courageux de votre part de vous être déplacés, a déclaré un homme, en s'adressant aux fonctionnaires des ministères de l'Économie, de l'Environnement et des Transports qui étaient présents.

Certains auraient aimé faire le même exercice avec les élus responsables du dossier. Les questions qu’on a relèvent du politique, puis le politique s'est défilé et a envoyé des fonctionnaires, a souligné un participant.

Le Québec, un lieu stratégique pour fabriquer des batteries

Le directeur métallurgie et produits industriels au ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie du Québec, Gabriel Audet, a fait une présentation pour expliquer que la méga-usine va permettre de construire ici la batterie la plus verte en Amérique du Nord qui contribuera à atteindre les objectifs d'électrification des transports.

Le site choisi en Montérégie est un emplacement stratégique, proche du nord-est des États-Unis, où il y a plusieurs fabricants automobiles.

Le Québec possède tous les atouts pour se démarquer avec la filière batterie, selon lui, entre autres grâce aux minéraux du territoire québécois, à la production de véhicules commerciaux électriques (autobus, camions, véhicules récréatifs) et au recyclage des batteries.

Les gouvernements du Québec et du Canada investissent 7 milliards de dollars dans le projet, qui est le plus gros projet manufacturier de l'histoire de la province.

Référence : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054093/northvolt-information-mcmasterville-saint-basile

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