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Québec marchande son lithium pour attirer une usine de cathodes de Honda

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Québec déroule le tapis rouge pour attirer une usine de matériaux de batteries du constructeur automobile Honda, et pas seulement avec la promesse de subventions. Radio-Canada a appris que le gouvernement Legault est prêt à céder à l'entreprise japonaise des parts de l'État dans la minière Nemaska Lithium et à lui vendre à un prix attrayant l'hydroxyde de lithium, le composant indispensable des batteries.

Les discussions entre les deux parties sont bien avancées, selon trois sources impliquées dans le dossier, qui n'ont pas le droit de parler publiquement des négociations en cours.

On savait que d'autres projets de la filière batterie devaient encore être annoncés au Québec. Le gouvernement Legault a évoqué, selon les déclarations, entre 5 et 15 milliards de dollars d’investissement privés restants, soit potentiellement autant que les projets déjà dévoilés (Northvolt, Ford, General Motors...).

Selon nos informations, si Honda s'entend avec Québec, elle s'installera dans le secteur de Bécancour, proche de son partenaire POSCO.

Mais l'Ontario souhaite aussi attirer le constructeur japonais, qui a déjà une usine de production d'automobiles dans cette province, à Alliston, depuis 1986.

Les investissements envisagés par Honda au Canada totaliseraient 18,4 milliards de dollars, selon le quotidien japonais Nikkei. Ça inclut une nouvelle usine, de véhicules électriques, et une autre de production de batteries, d'ici 2028. En janvier, une rencontre s'est tenue entre Honda et de hauts responsables canadiens.

Au Québec, Honda a déclaré des activités de lobbyisme auprès du ministère de l'Économie et d'Investissement Québec en vue d'obtenir des soutiens financiers (subvention, prêt ou autre avantage pécuniaire) pour soutenir des projets potentiels au Québec touchant la filière des véhicules électriques.

Honda est « gourmande »

Ils veulent plus d'argent que ce que nous proposons, explique une source bien au fait du projet. Ils sont gourmands.

C'est sûr qu'ils vont vouloir un prix de l'hydroxyde de lithium au rabais, explique une autre source, surtout s'ils prennent une participation dans l'actionnariat de Nemaska Lithium. [...] C'est une forme de subvention.

Nemaska Lithium est détenue à 50 % par l'État québécois et à 50 % par la compagnie Arcadium Lithium.

Une partie de sa production a déjà trouvé preneur. Le constructeur automobile Ford, qui construit lui aussi une usine de cathodes à Bécancour, s'est déjà entendu avec Nemaska Lithium pour 11 ans.

Il n'a pas été possible de savoir combien d'actions on a et à quel prix Québec veut vendre ses actifs et sa production de lithium. Le ministre ne commentera pas dans les médias des rumeurs sur ce genre de discussion stratégique, répond le cabinet du ministre Fitzgibbon.

Honda Canada a aussi décliné notre demande d'entrevue. Nous ne pouvons malheureusement discuter de ce sujet en ce moment, nous a expliqué le directeur des communications de l'entreprise, Ken Chiu.

Surprise chez le partenaire de Québec dans Nemaska Lithium

L'entreprise Arcadium Lithium, qui possède l'autre moitié de la minière, n'était pas au courant de ces négociations pour une prise de participation de Honda, malgré l'existence d'une convention d'actionnaires.

Arcadium Lithium n'a pas participé aux conversations entre le gouvernement du Québec et Honda et ne peut donc pas commenter pour l'instant toute transaction proposée qui pourrait impliquer l'investissement d'Investissement Québec dans Nemaska Lithium, à moins que les détails nous soient divulgués, nous écrit l'entreprise par courriel.

L'analyse par Arcadium Lithium de toute proposition qui lui est présentée se concentrera sur ce qui est dans le meilleur intérêt de Nemaska Lithium ainsi que dans l'intérêt des actionnaires d'Arcadium Lithium, ajoute un porte-parole de l'entreprise.

Le spécialiste de l'industrie automobile Yan Cimon, professeur de stratégie à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, n'est pas étonné que Honda négocie de manière serrée avec le gouvernement. Les gouvernements sont dans une course mondiale pour le développement de la filière batterie.

Québec et Ottawa doivent être très généreux, dans le contexte de l'Inflation Reduction Act aux États-Unis, le grand plan climat américain qui prévoit des milliards de dollars de subventions pour les industries vertes.

Les constructeurs japonais comme Honda ou Toyota ont aussi la réputation de vouloir contrôler toute la chaîne d'approvisionnement, explique Yan Cimon.

Le Québec a des avantages, dans le contexte où l'ensemble de la chaîne de valeur de la batterie est présente dans la province, de la mine au recyclage, et où les constructeurs veulent réduire leur dépendance à la Chine.

Est-ce une bonne idée de vendre des parts de l'État dans Nemaska Lithium? Ce n'est pas noir ou blanc, dit le professeur. C'est un choix que le gouvernement fait pour la société.

Il faut les attirer, mais il faut bien le faire pour s'assurer que la richesse créée bénéficie à la prospérité du Québec en général. Il faudra que ce soit gagnant-gagnant.

Une citation deYan Cimon, professeur de stratégie à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval

La question de la disponibilité de la main-d'œuvre sera à considérer, rappelle le professeur. Mais c'est plutôt positif qu'on réussisse à avoir l'attention de joueurs de cette qualité. Ça montre le sérieux de la démarche qui est en cours, dit-il.

Il faut que le gouvernement soit bien conseillé pour savoir ce qui est trop ou pas assez pour attirer Honda ici, ajoute Jean-François Boulanger, professeur en métallurgie extractive des éléments critiques et stratégiques à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Concernant la vente de parts de Nemaska Lithium, il faudra voir à combien on va vendre ça et si ça va toucher à la propriété intellectuelle, puisqu'ils ont des brevets importants chez Nemaska.

Est-ce que ça va être un fleuron dont on va vendre une partie à quelqu'un d'autre? [...] Est-ce que l'hydroxyde de lithium va s'en aller ailleurs pour faire des batteries?

Une citation deJean-François Boulanger, professeur en métallurgie extractive des éléments critiques et stratégiques à l'UQAT

Le ministre Fitzgibbon se félicitait récemment d'avoir attiré des Américains, des Coréens et des Européens dans la filière batterie du Québec. Il manquait les Japonais. En ce qui concerne les Chinois, ils ont déjà tout ce qu'il faut et sont des leaders dans le domaine.

C'est bien de diversifier les gens qui achètent ces produits-là pour ne pas se retrouver dépendant, explique Jean-François Boulanger.

Le Québec a complété la chaîne de valeur de la batterie

Dans les dernières années, le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) est parvenu à bâtir un écosystème sur l'ensemble de la chaîne de valeur de la batterie, de l'extraction minière au recyclage, en passant par les composants, l'assemblage et l'intégration dans le véhicule.

  1. Extraction minière (Sayona Québec, Glencore, Nouveau Monde Graphite, Ariane Phosphate...)
  2. Raffinage (Exemple : Nemaska Lithium, Vale, Silicium Québec...)
  3. Matières actives (GM-POSCO, Ford-EcoPro BM, Nano One...)
  4. Composants de batteries (Volta Énergie, Calogy)
  5. Cellules (Northvolt, VoltaXplore...)
  6. Modules et assemblage (Lion Électrique)
  7. Intégration dans le véhicule (Novabus, BRP, Taiga Motors...)
  8. Recyclage (Northvolt, Lithion Technologies)

Notre gouvernement est le premier à valoriser nos ressources et à favoriser leur transformation ici au Québec, se félicite le cabinet du ministre Fitzgibbon. Les 16 milliards de dollars de projets annoncés à ce jour dans la filière batterie le démontrent.

En incluant les montants consacrés à Northvolt, le soutien public offert jusqu’ici par le gouvernement du Québec et Investissement Québec dans les projets appartenant à différents maillons de la filière totalise plus de 3,29 milliards de dollars.

Référence : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2055752/quebec-honda-usine-cathodes-nemaska-lithium

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